
FRAGILE TRANSE
Je sais que tu me comprends. Il nous arrive parfois de dérailler. Ces sorties de route sont comme de longues traversées du désert. On est là, organiquement, mais on discerne une lente déréalisation. Elle nous pénètre, fourbe. On se voit comme on est et non comme on aimerait être perçu. On se regarde, non pas comme on se verrait au travers un miroir mais comme ce que l'on peut y lire au fond de nos yeux. On s'apprend, on ne se connaissait même pas avant. Et irrémédiablement une question martèle en tête, la même incessamment, sinueusement : 'Qui suis-je vraiment ?'
Il y a une forme de complaisance dans ces moments. Toi et moi on le sait, on s'y plaît. Chacun le vit différemment : toi c'est le vide, moi c'est le comble. Mais cette énergie qui nous transporte reste la même à chaque étape. Si opposée et si semblable à la fois. Une plénitude nous guette, on la dévore tellement elle nous affame. Pas le temps d'en laisser une miette, elle est trop précieuse. Surtout qu'elle pourrait resservir pour plus tard quand la vie nous rattrapera bien trop vite et qu'elle nous ramènera à la réalité. Une fois de plus. Elle nous servira de dose de secours, tel des toxicos. Noyés à la frayeur d'être trop humain. Fragile transe, on ne vit que pour ça.