
EXTRAIT 1
8h43 : le réveil sonne. Je commence doucement à sortir d'un sommeil lourd. La lumière s'infiltre à travers mes paupières. Je m'étire longuement et m'assoie sur bord du lit. Je me frotte les yeux encore si emprunt de fatigue. La maison est silencieuse, calme mais ce n'est qu'une façade. Une de mes colocs a passé la nuit à côté de moi, je ne m'en souviens pas. Je la laisse dormir. Je sors de la chambre. Je trébuche dans ce qui semble être des cadavres de la veille, ou peut-être est-ce une assiette ? Je ne sais pas et je m'en fou. Le bruit est assourdissant et ma tête résonne. Je me dirige en tanguant vers la cafetière posée sur le plan de travail de la cuisine. C'est une vielle cafetière italienne bleue. Je commence méthodiquement à préparer le café. Je dévisse le réservoir et le rempli d'eau. Je récupère le paquet de café qui traîne non loin sur le bar, perdu au milieu de bouteilles en verre et autres cannettes vides. Je remplie scrupuleusement le filtre de trois cuillères de café. Je visse la partie supérieure et pose la moka sur le feux. Alors que le café commence tout doucement à chauffer, je constate l'état de désolation du salon et de la cuisine. Une rave partie a dû avoir lieu ici, je ne trouve pas d'autres explications. Je commence à sentir l'odeur du café se répandre dans la cuisine. Je sais que cette délicieuse odeur va tous les réveiller. Je me verse une tasse et laisse la cafetière sur la gazinière en ayant pris soin de bien éteindre le feu. Avec ma tasse me réchauffant le creux des mains, je me dirige vers la porte d'entrée de la maison. Je suis la première levée comme bien souvent mais j'aime commencer la journée par ces petits moments, seule. Je m'assoie sur les marches du perron, les rayons du soleil matinal me réchauffent. Ces moments m'appartiennent et je les savoure pleinement. Je sais qu'ils ne dureront pas éternellement, et chaque matin qui m'en donne l'opportunité, je les vis comme si c'était les derniers. La vie dehors est déjà bien présente depuis plusieurs heures. Je bois mon café tel un élixir et j'observe silencieusement des voisins, des petits vieux, des familles passer, entrer dans des boutiques, des cafés, chez des amis ou de la famille. D'autres se pressent pour attraper un bus devant très certainement se rendre à leur travail. Quelques enfants, qui pour je ne sais quelles raisons ne sont pas à l'école, traversent la rue joyeusement en baragouinant des mots peu compréhensibles en argot irlandais. Je suis presque même convaincue qu'un natif non plus ne saurait déchiffrer ce qu'ils se disent. Qu'importe ! Assise ici, sur ces deux marches, je me sens vivre. Je sais que je suis à ma place, là, à profiter précisément des ces quelques instants volés, suspendus. Le temps semble s'arrêter quelques secondes, me laissant toute la liberté de l'effleurer du bout des doigts.
Dans mon dos la porte s'entrouvre, ce temps figé s'éclipse et la vie reprend son cours. Une de mes colocs, une tasse en forme de citrouille à la main sort de la maison. Je suis heureuse de la voir, sa tête est encore endolorie de sommeil, ou peut-être plus probablement de la soirée de la veille. Elle se pose près de moi. Les autres ne vont pas tarder à nous rejoindre eux-aussi. La journée peut commencer.